The economics of patents : from natural rights to policy instruments

David Encaoua, EUREQua
Dominique Guellec, OECD
Catalina Martinez, OECD


Résumé. Cet article propose une réflexion économique visant deux objectifs : d'une part, une évaluation critique des transformations contemporaines visant à renforcer la protection par le brevet et à étendre la brevetabilité à des champs nouveaux ; d'autre part, des propositions de réforme de cet instrument afin d'implémenter un optimum social. Comme le brevet a des coûts et des avantages, il ne saurait être considéré comme un droit naturel accordé à tout inventeur. Cela conduit à trois implications majeures. Premièrement, le brevet n'est pas la solution par défaut au problème que soulève le recouvrement de la dépense nécessaire pour produire un actif non rival comme la connaissance. Le brevet n'est pas dans tous les cas la forme d'incitation la plus appropriée, notamment lorsque la connaissance n'est pas parfaitement codifiée, ou que l'imitation est coûteuse ou encore que les avantages du premier innovateur sont importants. De ce point de vue, la justification économique de la brevetabilité dans des domaines comme les logiciels ou les transactions sur Internet est loin d'être assurée. De plus, dans les situations où le processus d'innovation est cumulatif, comme dans les biotechnologies par exemple, chaque innovation nécessitant l'usage d'innovations antérieures, le brevet peut être un frein à l'innovation plutôt qu'un stimulant. Deuxièmement, lorsqu'ils sont examinés dans un cadre dynamique d'innovations successives, les critères usuels pour l'attribution d'un brevet tels que la nouveauté et l'inventivité ont des effets importants sur le taux de croissance de l'innovation. Un degré d'inventivité accrue conduit d'une part à n'accorder un brevet qu'aux innovations ayant la plus grande valeur sociale et d'autre part à un allongement de la durée de vie effective. C'est précisément la durée effective du brevet et non la durée de vie légale qui renforce le caractère incitatif de cet instrument. De même, l'arbitrage entre la durée de vie effective et l'étendue de la protection conduit à des ajustements nécessaires pour la configuration optimale de cet instrument. L'uniformité des critères d'attribution d'un brevet quelque soit le champ d'activité doit ainsi être repensée. Troisièmement, dans les situations d'information incomplète où l'office des brevets n'observe ni les coûts de la R&D ni la valeur privée, le brevet peut être conçu dans l'optique d'un mécanisme incitatif. Dans le cas d'une innovation isolée, le mécanisme des droits de renouvellement d'un brevet peut être envisagé comme un instrument économique permettant aux entreprises de procéder à une auto sélection. Dans le cas d'innovations séquentielles, un mécanisme incitatif consisterait à instaurer un mécanisme de licence obligatoire en laissant un innovateur choisir un couple de prix positivement liés, le premier correspondant au prix d'achat du brevet et le second au prix de revente auquel s'engagerait le détenteur à céder son droit. Ce système de licence obligatoire a deux vertus. D'une part, il donne naissance à un mécanisme révélateur. D'autre part, il évite les coûts juridiques liés aux procès en infraction, puisque c'est le choix du menu approprié qui determine l'étendue de la protection acquise.
Mots clés : Brevet, étendue de la protection, innovations séquentielles, nouveauté, licence, mécanisme incitatif.

Abstract. This paper uses latest advances in economic research for examining recent changes in patent regimes aimed at strengthening patent protection, and beyond that, for rethinking the rationale ofthe patent system. Considering that economic theory does not regard patents as a natural right that should be systematically granted to inventors, but as a policy instrument aimed at fostering innovation and diffusion, three major implications can be drawn from economic theory regarding current policy debates. First, patents may not be the most effective means of protection for inventors to recover R&D investments when imitation is costly and first mover advantages are important. Moreover, they may do more bad than good to innovation if innovation is sequential and first generation inventions are essential to develop further inventions, especially when patent protection is strong. Patents should not be seen as the solution by default, notably as regards new areas of patentability such as software, business methods and generic inventions. Second, patentability requirements, such as novelty or non-obviousness, should be sufficiently stringent to avoid the grant of patents for inventions with low social value that increase the social cost of the patent system. Third, rather than the statutory patent life, what matters is the effective life of patents : the broader is a patent the longer is its effective life. Policy instruments affecting patent breadth (e.g. extra free for independent claims above a certain threshold) and length (e.g. renewal fees) could be used to provide long effective lives to inventions with high social value. Beyond these currently debated issues, economic theory pleads for an in-depth reshuffling of the patent system. If the system were to be radically changed, an optimal patent policy could be based on a multidimensional menu of different degrees of patent protection associated to different patent fees, where stronger protection would correspond to higher fees. Patents could be transformed into self-selection mechanisms whereby patentees reveal the economic characteristics of their inventions, compensate society for the protection they are granted and obtain sufficient incentives to innovate.
Keywords : Patent, leading breadth, sequential innovations, non-obviousness, license, mechanism design.

JEL Classification : O31, O34.